J’ai décidé de changer de job. Pour des raisons X et Y, je
ne vais pas vous raconter ma vie.
En gros, j’ai réussi à avoir un entretien d’embauche pour un
job de la mort qui tue. Oui, celui dont tu n’oses même pas rêver. Super
intéressant, pas trop loin de chez moi, bien payé. La grande classe. Parce
qu’en général, sur l’ensemble de ces critères, il en manque toujours un.
Bon, dans un premier temps, je suis invitée à passer un
entretien préliminaire dans une boite de recrutement. OK, ils veulent vérifier
si j’ai pas bidonné mon CV et si je ne suis pas une sociopathe déguisée en
jeune femme présentable.
Ok.
Je me pointe à l’entretien, à l’heure, brushinguée, maquillée,
tallons et tailleur, histoire de montrer que je suis présentable.
Là, le gentil monsieur me demande de me présenter, de détailler
mon expérience professionnelle, etc.
Je m’exécute, il me pose des questions complémentaires, me
parle de l’entreprise qui recrute.
Me dit que mon CV est tout à fait pertinent pour les
missions demandées.
Parfait.
Puis après des échanges tout à fait cordiaux, me demande
d’expliciter ma situation personnelle.
« -Pardon ?
-Ben oui, est ce que vous êtes mariée, la profession de
votre conjoint, des enfants, un hamster ?? »
La mon cerveau ne fait qu’un tour. Je vois la question
piège. Je n’ai que quelques fractions de secondes pour réfléchir. Si je lui dis
l’horrible vérité, ça risque de coincer, si je lui dis qu’il n’a pas le droit
de me poser ce genre de questions, ça risque de coincer direct.
Parce que oui, rappelons le, il est interdit de poser à un
candidat des questions en dehors de ce qui est en lien avec le poste ouvert.
Mais dans l’état des choses, un recruteur n’a pas forcément envie d’embaucher
un candidat qui lui répond « je vous rappelle que conformément à la loi
92-1446 du 31 décembre 1992, vous ne pouvez me poser ce genre de
questions… »
Après avoir fait turbiner mes neurones, je prends le risque
qui coince le moins.
Donc oui, je vis avec Roméo, qui a un métier fort sympathique
et nous sommes les heureux propriétaires d’un nain de 20 mois.
Réponse : Ah, oui…
Et puis il embraye sur l’entreprise, l’organigramme, les
collègues potentiels, etc.
Puis quelques jours plus tard, je reçois un coup de fil
m’invitant à venir rencontrer le staff de l’entreprise.
DRH, chefs de services et tout le toutim.
Mon CV a fait mouche !!! Oh, bonheur, joie et
cotillons !!!
Ah, non le 27, c'est pas possible pour la réunion, je suis à New York ! |
Je me présente confiante à cet entretien, j’ai bossé mes
questions professionnelles, la connaissance de l’entreprise, les questions
pièges, etc…
L’entretien commence. Le gentil monsieur de la boite de
recrutement est présent, il m’avait prévenu qu’il serait là pour « m’accompagner »
lors de cet entretien.
Les gens présents me posent des questions sur mon
expérience, mes réactions dans certaines situations, mes connaissances dans le
domaine de la boite, tout se passe à peu près bien.
Puis on passe à une rubrique plus personnelle.
Ils m’expliquent qu’ils recrutent car le poste était pourvu
par une personne qui a démissionné pour suivre son conjoint. Le gentil monsieur
répond que je suis en couple avec une personne qui a une activité bien ancrée
qui n’est pas délocalisable.
Un bon point pour moi.
Et il ajoute que je suis la maman d’un charmant bambin de 20
mois.
Et là, je vois le visage de la responsable de service se
fermer.
« Bon, et bien, je pense que nous avons fait le tour de
la question.
Nous vous rappellerons pour vous donner notre réponse. »
La dite réponse fut négative.
Certes, je conçois qu’il y a peut être un candidat qui a été
meilleur que moi, plus performant, que ma personnalité ou que ma façon de travailler
peut ne pas plaire.
Mais quand j’ai vu le visage de la responsable se fermer, j’ai
compris que tout était joué.
Que pouvais-je faire ?
Ne répondre ? Mentir ? Leur rappeler le contexte législatif ?
Déposer un dossier à la HALDE ? Pour ensuite me faire
griller dans la profession ? (oui, c’est un tout petit monde, tout se sait
très vite).
Cette expérience a été douloureuse pour moi, et j’en ai
parlé avec des amis qui n’ont pas pu faire d’autre constats que les miens.
La maternité, ou la féminité dans un sens plus large, est un
frein dans le monde professionnel, un « handicap » qui pèse
lourdement sur les jeunes femmes qui comme moi pensent qu’il est possible de concilier
une vie familiale avec un poste à responsabilité.
Boire ou écrire? |
Par ailleurs, une amie qui travaille dans le monde « de
l’emploi », et qui mène avec brio une vie familiale (deux magnifiques enfants
à 27 ans) et une vie professionnelle en ascension avec un poste de directrice m’a
raconté qu’il lui est arrivé une situation similaire.
Elle était plus au fait de ces questions fourbes (j’ai naïvement
pensé que comme c’était interdit, personne ne me les poserai), et lorsqu’on lui
a demandé si elle avait des enfants, elle leur a rétorqué : « Que
voulez vous savoir ? Si je serai disponible le soir pour des réunions ?
Si je suis capable de m’investir dans des missions prenantes ? Sachez qu’aujourd’hui
je le fait et que je le ferai toujours, ma vie personnelle, quelle qu’elle
soit, ne déteint pas sur ma vie professionnelle. »
Et elle a eu le poste.
Voilà, je ne sais pas quoi en penser. J’ai toujours voulu être
maman et j’ai poursuivi des études pour travailler dans un domaine professionnel
assez prenant. Je connaissais la donne et pour moi elle est claire, si devenais
maman, à moi de jongler avec ma vie perso pour poursuivre ma « carrière »
dans des conditions normales.
Et de nombreuses mamans pensent la même chose
que moi. Surtout quand on a la chance d’être soutenue pour la gestion de la
vie familiale, par un super chéri ou par une famille proche, des amis conciliants.
Bref, je crois que j’ai largement dépassé le format des 140
secondes, mais j’en avais gros sur la patate.
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